En gestion mentale, le projet mental est une tension-vers (pro-jet= jeter en avant) qui est déjà nourrie du sens que je donne à ma rencontre du monde. Le projet est la mise en possibilité d’un lien entre moi et l’autre. Il s’incarne dans un mode opératoire qui dépend de la personne.

Il est intérieur à la personne. « Je suis en projet de…. » . Il sous tend dès maintenant ce que va devenir l’objet étudié. Par exemple, je suis en projet de reformuler l’énoncé pour le comprendre, en projet de me redire cette poésie à l’identique.

Quels projets pour faire des mathématiques?

Le projet est un indicateur privilégié pour renseigner sur les difficultés des élèves en mathématiques. Le rôle du professeur particulier est de chercher déloger des « contre-projets » qui peuvent faire obstacle à l’apprentissage des mathématiques : projet d’échec, faute de copie ou mauvaise lecture d’énoncé.

  1. Projet d’échec

C’est l’exemple d’un blocage mathématique pour résoudre le problème suivant:

« On veut poser deux rangées de fil de fer autour d’un terrain rectangulaire de 12 m sur 8 m. A 7€ le mètre, quel sera le montant de la dépense? »

Léa est dans l’impossibilité de s’imaginer résolvant ce problème. Je lui propose d’évoquer concrètement le terrain, la clôture, … et de faire mentalement le tour du terrain ( on appelle cela évocation « à la première personne »). Elle dit : « une longueur+ une largeur+ une longueur+ une largeur ». Léa réalise ce voyage imaginaire et écrit 2L+2l.

-« Combien as-tu de rangées de fil de fer? (contrôle de l’évocation)

-une rangée, ah non, il y en a 2; je refais 2 fois le tour, donc: 2L+2l+2L+2l (elle l’écrit)

-Et maintenant, peux-tu trouver le prix du fil de fer?

-Ah non, je ne sais pas, je suis incapable de….

-Bon, tu tu es au supermarché pour acheter le fil de fer, comment fais-tu? (retour aux évocations à la première personne)

-Je donne le dessin au vendeur et lui demande de faire le calcul.

-Mais tu as écrit le calcul : 2L+2l+2L+2l,

-Oui, mais je bloque!

-Alors, que va faire le vendeur? …. silence…(retour à l’évocation)

-Et bien, il va calculer 2L+2l+2L+2l,

-Et ensuite?

-Ensuite il va multiplier par 7€,

-Et bien, bravo, tu viens de résoudre le problème!

-Mais non, moi je ne sais pas le résoudre! c’est le vendeur qui me le calculera.

Voilà la traduction fidèle entre moi et une élève. Léa a pu s’imaginer le terrain concrètement, mais ne peut s’imaginer elle-même réussissant l’exercice. Elle y arrive cependant (même si elle en refuse l’idée dans un premier temps) en faisant intervenir une tierce personne (le vendeur) dans ses évocations et elle résout le problème par son intermédiaire. On mesure alors toute l’implication de l’affectif dans les évocations de Léa en mathématiques, alors que, étudiant l’anglais et maîtrisant cette langue, elle arrive très bien à gérer ses évocations:

-elle réentendre mentalement la voix de l’autre (le prof, un camarade,…), (évocation en 3è personne)

-elle réentendre sa propre voix, (évocation en 1ere personne) et, faisant le va-et-vient entre les deux, peut réajuster l’une par rapport à l’autre.

Il est important de ne pas laisser un élève face à un tel blocage, ce serait l’installer un peu plus encore dans un échec vieux parfois de plusieurs années. Il faut déloger de tels projets d’échec.

Accompagnée et maintenue dans son évocation du problème, Léa a été encouragée à aller jusqu’au bout, même si elle a dû faire intervenir un vendeur imaginaire pour faire le calcul qu’elle s’était jugée incapable de réaliser, tant cet à priori d’échec était fortement installée par rapport aux maths.

2. Faute de copie

Nombreux sont les fautes de recopiage d’énoncé tant dans les copies de collégiens que de lycéens.

La seule remédiation possible est d’inviter l’élève à d’abord enregistrer mentalement l’exercice. La bonne évocation de l’énoncé ne résout pas tout, mais elle constitue un passage obligé, même si elle n’est pas toujours satisfaisante. Il faut non seulement éduquer le geste d’attention, mais aussi enseigner le geste de réflexion comme les autres gestes mentaux.

3. Lecture d’énoncé

Exemple: Combien faut-il de coups de scie (électrique) pour partager une planche de 2, 40 m de longueur en 6 morceaux d’égale longueur?

Réponse de beaucoup d’élève de 6è: 2,40 : 6 = 0,40 m.

Le diagnostic courant est « mauvaise lecture de l’énoncé ». Or, il ne s’agit pas ici de lecture au sens de perception visuelle car il semble évident que l’élève ait bien lu l’exercice à partir du mot « combien… » et non pas à partir de « …2,40 m ».